Un reportage sur une visite de la 56éme édition de la Biennale de Venise (publication provisoire)
56ème édition de la Biennale de Venise
« All the world’s futures » (Tous les avenirs du monde)
Reportage d’un membre des Amis du Magasin, Françoise Cavallini
En octobre j’ai visité la biennale de Venise. Visite sur 2 jours.
Premier constat, beaucoup de visiteurs, surtout pendant le week-end.
De nombreuses photos accompagnent ce reportage. Elles ont été prises au hasard du parcours. Il n’y a pas eu de choix préalable des artistes avant la visite.
Dés l’entrée du pavillon central, Oscar MURILLO, né en 1986, annonce la couleur avec d’immenses drapeaux noirs rigides, en berne, surmontés de l’inscription « blues, blood, bruise» (blues, sang et meurtrissures)
PAVILLON CENTRAL
Fabio MAURI (1926-2009)
Cet artiste italien est un abonné de la biennale. Son échelle, montée sur roues, tend mais ne peut atteindre la coupole.
Un mur construit de valises, sacs, et malles évoque le déchirement des départs, l’exil. Cette œuvre « western wall » résonne très fort dans la période actuelle.
Andréas GURSKY né en Allemagne en 1955.
Photos géantes de rassemblements récents : une usine en Chine, la bourse de Chicago, un intense grouillement d’humains minuscules, un léger zoom, ils apparaissent avec une précision absolue dans leurs gestes.
Thomas HIRSCHHORN né en suisse en 1956.
Ses sculptures, à partir de matériaux pauvres aux apparences chaotiques et précaires sont, en fait, très structurées autour d’un engagement pour plus de justice et d’égalité dans le monde.
Adrian PEEPER née en 1948 à New York.
Les visages effacés sur lesquels sont marqués « everything will be take away (tout sera emporté) » un message qui explore l’identité personnelle, question chère à cet artiste.
Huma BARBHA née en 1962 au Pakistan.
De grands totems modernes, sombres, ancrés au centre de la pièce font écho aux vastes panneaux très colorés de l’artiste aborigène Emily Kame KNGWARREYE (Australie 1910-1995)
ARSENALE
Ibrahim MAHAMA né au Ghana en 1986.
Des sacs de jutes délabrés, grisâtres, cousus entre eux, tapissent entièrement les murs d’un long et étroit couloir qui mène à la sortie de l’arsenal.
Nous les sentons presque physiquement. Dans ces sacs, des hommes et beaucoup d’enfants ont transporté des fruits, du cacao, production du Ghana. Installation faisant écho aux mécanismes injustes du commerce mondial.
Katarina GROSSE née en Allemagne en 1961.
Des constructions d’apocalypse sur une base complexe élaborée à partir de déchets (gravats – textiles – polyesters…) Elle pulvérise des flots de couleurs vives.
Sommes-nous en présence de peinture ? De sculpture ? D’architecture ? D’un Tout ?
SARKIS né à Istanbul en 1938 (d’origine Arménienne)
Sur les murs, des images anciennes d’Orient, des visages expressifs ou figés de femmes reçoivent un frémissement lumineux. Au fond, un festival de lumières vives et colorées s’abat sur une surface de marbre noir.
Orient ! Occident ? Traditions ? Modernité ?
Un ensemble agréable à regarder.
Kulug ATAMAN né à Istanbul en 1961
Cet artiste Turc porte un grand intérêt à l’identité. Comment les hommes l’écrive et la réécrive. Des milliers de photos recouvrent un voile animé qui flotte au plafond.
Adel ABDESSEMED né en Algérie en 1971
« Les nymphéas » (Le jardin d’Eden). Un vaste espace couvert d’une plantation de bosquets de machettes posées en équilibre instable sur leurs pointes. Ces objets détournés de leur sens rythment un ensemble qui dérange et menace. Nous nous y attardons cependant.
Melvin EDWARDS né aux USA en 1937
Une sélection de ses sculptures de métal est accrochée aux murs. Morceaux d’acier provenant d’outils, de pièces de machines, de crochets, sont soudés et créent un espace dangereux, menaçant. On peut emporter des images de torture.
Ricardo BREY né en 1955 à Cuba
« Chaque vie est un feu »
Des boites fermées sans indication. « Un atelier de l’invisible » a-t-il écrit.
Un questionnement sur la transparence, l’intérieur, l’extérieur, la mémoire, la magie. Ses œuvres sont imprégnées par ses racines afro-cubaines.
BASILITZ né en 1938 en Allemagne.
« Renversant »
Reflets sur le sol de 3 ou 4 grands portraits couleur chair. Corps et volumes, la tête en bas.
Cet ensemble de Basilitz jette un peu de clarté trouble dans cette sombre et immense salle de l’Arsenale.
PAVILLONS NATIONAUX, dans les jardins (Giardini).
FRANCE :
Céleste BOURSIER-MOUGENOT Né en 1961, à Nice
« Révolution »
Au milieu des visiteurs, dans les allées, deux pins plantés, chacun sur une motte de terre, déambulent, lentement. Un troisième se balade dans le pavillon. La verrière y a été retirée pour ouvrir l’espace au vent, au soleil, à la pluie. Sur les gradins les visiteurs sont sous le charme de ce ballet végétal rythmé par un bourdonnement sortant des troncs, « la musique des arbres ». Une installation magique.
JAPON
Chiharu SHIOTA née en 1972 à Osaka, Japon
Des milliers de clés usagées suspendues à un nuage de fils de laine rouge. Deux barques confondues avec le sol sont aussi constellées de clés. Une immersion dans un monde rouge envahi par nos clés omniprésentes dans notre vie sociale. Protection ? Enfermement ? Ouverture ? Rêves ? Spectaculaire.
GRANDE BRETAGNE
Sarah LUCAS est née en 1962 à Londres.
Des phallus géants, des fesses de femmes, très lisses, blanches, occupent des salles peintes en jaune du sol au plafond. Des cigarettes s’érigent des orifices.
Sarah LUCAS expose, ose, provoque, scandalise »
Beaucoup de visiteurs, pas choqués, semble-t-il.
SUISSE
Pamela ROSENKRANZ née en Uri, suisse en 1979
Un étrange lac, couleur chair, emplit une grande partie du pavillon d’une odeur de peau de bébé.
Cette étendue à consistance laiteuse est élaborée à partir d’éléments chimiques qui entrent dans la fabrication des cosmétiques. Produit miracle qui font rêver à l’éternelle jeunesse !
SERBIE
Ivan GRUBANOV né à Belgrade en 1976
Cet artiste rend un hommage fort et ironique aux « Nations Unies Mortes ».
Sur le sol, des drapeaux froissés, souillés, placés sous des inscriptions murales : Empire Ottoman, URSS, Yougoslavie…
ROUMANIE
Adrien GHENIE né le 13 août 1977 à Baia Mare, Roumanie
Des photos défigurées, déconstruites de personnages célèbres du XX siècle, souvent des tyrans, il semble souvent s’auto-dévorer.
Monstrueux à voir – à penser aussi.
AUTRICHE
Heimo ZOBERNIG né en 1958 à Mauthen, Kärnten
Transformation radicale du pavillon construit en 1934.
L’artiste rend invisibles les éléments architecturaux liés à l’époque de la construction : arches voutées du plafond, niveaux différents du sol.
Une vaste ouverture sur le patio.
Réflexion sur l’architecture ? Sur la présence humaine dans l’espace ?
Extérieur du pavillon
EGYPTE
Les artistes: Halaam Abd El Baky, Sahar Dergham, Tarek El-Koumy, George Fikry et Hadl Nazmy
Des plans inclinés couverts de mousse verte, d’autres verticaux, d’autres au sol, tous identiques rythment cette salle entièrement blanche.
A l’entrée un panneau « PEACE » en vert sur blanc. A coté un court poème « can you see ». Une évocation du poète persan Djalal ad Muhamad Rumi qui a eu une grande influence sur le soufisme au XII siècle.
Une réflexion sur le choc des civilisations et des cultures
PAYS BAS
Herman de VRIES né en 1931 à Alkmaar, aux Pays-Bas,
Des collages, des dessins, des photos, des sculptures. Beaucoup de finesse. Ce sont des éléments de la nature autour de Venise que l’artiste a rassemblés ou isolés. Un léger parfum monte d’un tapis de boutons de roses séchées.
« Je ne fais que des citations de la nature » disait-il en 1997.
BRESIL
Berna REALE né en 1965 à Belém, André KOMATSU né en 1978 à Sao Paulo
Un parcours entre des murs de briques : nous pouvons les franchir en nous glissant par des fractures.
Un passage étroit entre des hauts murs de grille, le plafond aussi.
Milieu carcéral ? Étouffement par la société ? Exercice de liberté ?
BELGIQUE
Vincent MEESSEN né à Baltimore en 1971 et artistes invités
Ici on présente le travail de Vincent MEESSEN ainsi que des artistes internationaux qu’il a invités. Des africains surtout. De la République Démocratique du Congo. Ceux-ci offrent une approche « nouvelle » des séquelles du colonialisme.
Cet artiste belge conteste la notion de représentation nationale et d’exposition personnelle.
EN VILLE – Basilica San Giorgio Maggiore
Jaume PLENSA né en 1955 à Barcelone
« Together »
La prestigieuse basilique de San Giorgio Maggiore accueille l’œuvre commandée à Jaume PLENSA.
Une sculpture monumentale, une tête de jeune fille, les yeux clos, posée dans la nef comme un hologramme qui évoque juste une présence, sans rien cacher de l’architecture précise l’artiste. Face à ce visage, suspendu
sous la coupole centrale, une grande main composée de lettres de huit alphabets.
Derrière la basilique, sous l’ancien dortoir des moines, cinq visages d’environ un mètre cinquante sculptés dans de l’albâtre. Cinq jeunes filles, yeux clos, les unes derrière les autres.
Une promenade méditative.
En parcourant très partiellement ce bouillonnement artistique (89 nations), j’ai senti s’exprimer des perspectives sombres, une grande violence. Parfois, aussi, un rayon de lumière, un éclat de joie, un moment de paix.
Reportage, prise de photos et texte : F. Cavallini
Assistant informatique et classement photos : Karim Benlahmar
Mise en page et en ligne : JJ Mazet
Voyage fait en collaboration avec l’association « Histoires et toiles »
Tous les crédits photos : F Cavallini – Amis du Magasin
La reproduction des textes et des photos est interdite sauf avec nos accords