L’art comme malentendu
Michel Thévoz, Les Editions de Minuit, 2017
Avec le temps, une œuvre d’art s’éloignera fatalement du sens que, par provision, son auteur lui donne. Celui-ci, néanmoins, escompte secrètement cette méprise future comme une solution possible à son énigme. S’il est vrai que «le fondement même du discours interhumain est le malentendu» (Lacan), on devrait considérer l’art, ou la relation artistique, comme un malentendu spécialement productif, paradoxal et initiatique. Ce ne sont ni les peintres ni les regardeurs qui font les tableaux, mais la conjugaison de l’inconscience des uns et des bévues des autres : ils se déchargent l’un sur l’autre de la responsabilité d’un sens qui n’en finit pas de leur échapper. Le présent ouvrage évoque quelques-unes de ces méprises en symétrie inverse, indéfiniment reconduites, et qu’on peut considérer finalement comme des «ratages réussis». Ce n’est pas le moindre intérêt de l’histoire de l’art que ces coups de théâtre qui rendent le passé lui-même imprévisible