Exposition Wilfrid Almendra au CAB
Wilfrid Almendra Because it dissolves in water
Du 8 juillet au 30 septembre 2018 au Centre d’Art Bastille
15 et 16 septembre 2018 : pour les journées Européennes du Patrimoine, visites commentées de l’exposition offertes à tous.
Dans le travail de Wilfrid Almendra les notions de partage, de liens, de connexions, d’échanges, d’idées et de matière sont au centre de tout.
Pour lui, prendre le temps de découvrir, prendre le temps de comprendre, prendre le temps d’écouter sont des notions fondamentales.
Préoccupé par le vivre ensemble, son travail révèle l’invisible, l’oubli, l’enfoui.
Fervent pratiquant d’une économie parallèle qu’il préfère à un système économique plus classique; l’échange, le troc, sont au cœur de sa manière de se procurer les matériaux qu’il utilise pour la réalisation de ses œuvres.
Il met en place une réciprocité, tant pratique et matérielle que temporelle. De là naissent alors des échanges rendus possibles uniquement par la dimension artistique de son travail.
Il donne ainsi à voir des pans entiers de mémoire collective : utopies urbaines avortées (Constant Nieuwenhuys), architectures de la réparation (Neutra, Saarinen ou C&R Eames) ou encore habitations de l’espace public reléguées à l’oubli (jardins ouvriers).
De son rapport à l’architecture nous trouvons ici ses Model Home (Sonata) (2012-2018). Présentées comme des pièces murales elles sont réalisées à partir de grilles anti-effraction, de mains courantes (qui donnent le rythme à la composition), de vitres, de bois, de métal… Ces matériaux ont été récupérés suite à la destruction d’une maison témoin, dans une zone rêvée pavillonnaire et transformée en zone industrielle.
Ces éléments viennent alors normer, définir le projet, mais n’empêchent nullement la re-création ou le ré-agencement de certaines d’entre elles.
Dans les années de l’après-guerre l’accession à la propriété, principalement de la classe moyenne, passe très souvent par l’achat d’une maison individuelle avec jardin. Très souvent, et donc en contradiction même avec ce souhait d’individualité, ces maisons sont standardisées pour une réduction de coûts.
Ces sculptures flirtent avec le diy dans une idée de minimalisme tout en rythme. Il serait incomplet de passer sous silence l’importance de la présence du verre, qui confère alors à ces installations une dimension christique, agissant à la manière de vitraux dont le jeu est rendu complet par les ombres portées desquelles notre regard ne peut échapper.
Because it dissolves in water transforme à son tour l’espace d’exposition en un tableau mouvant au grès de la journée et des passants. Conçue à partir de panneaux de verre venant de divers horizons (et c’est bien là un des enjeux) réunissant d’anciens verres d’une serre nantaise ou encore issu d’un troc avec une communauté marseillaise, encore marqué par leurs précédents usages (traces de terre, de colle, de peinture…) Wilfrid Almendra joue sur la transparence et la précarité de la construction (les panneaux de verres sont scotchés les uns aux autres) qu’il confronte à un propos plus lourd de sens, la création puis disparition puis récupération des jardins ouvriers, mais toujours tout en poésie.
L’obstruction de la partie basse de la grande baie vitrée révèle un format paysage et permet alors une dépeinte du passant qui vient activer l’installation en l’animant au travers du fait même de venir à la Bastille. En passant aux abords de cette installation, par l’extérieur, il permet au visiteur de l’exposition de découvrir un tableau se jouant en permanence dans une évanescence de chaque instant. Les vitres fonctionnant à la manière d’un filtre, d’un flou naturel, créent une ondulation du paysage.
Travailler sur l’idée des jardins ouvriers n’est pas un fait isolé dans le travail de l’artiste, car toujours, il cherche à mettre en avant, à réactualiser des pans entiers de notre société sans doute voués à l’oublis. Ces jardins apparus à la fin du XIXe siècle sont des parcelles de terrain situées sur l’espace public
et mis à disposition des habitants par les municipalités dans le but de pouvoir améliorer la qualité, le confort de vie des ouvriers. Ces jardins sont un espace de liberté totale, à la manière d’architectures du besoin, où on aime se retrouver le dimanche, en famille ou entre amis pour prendre le temps. Le temps de cultiver, le temps de discuter, le temps d’échanger. Ce sont ces notions qui intéressent le plus Wilfrid Almendra et qui sont la base de la création de ce projet aujourd’hui multi-formes, sujet à discussion, à re-découverte, à souvenirs. Au-delà de l’origine et de la provenance des matériaux, qui reste un élément fort dans la conception de l’œuvre, il y a surtout les notions de précarité et de liberté qui se trouvent au centre de tout.
Sur le dernier niveau du centre d’art nous surplombons une sculpture qui de prime à bord se fond parfaitement dans le lieu, se faisant presque oublier, mais une fois compris de quoi il s’agit, tout fait sens, tout au long de l’exposition, disséminés au sol, des câbles, noirs, présents mais légers à la fois convergent tous à cet espace.
Plastiquement, cette œuvre, une antenne en cuivre et bronze, glanés au fil du temps par une communauté puis ensuite fondus, agit comme un marqueur. Marqueur classique de la sculpture, s’oxydant avec le temps et atteignant alors les normes de canons de l’époque. En opposition radicale avec l’essence de l’objet, une antenne, produite en grande série en Chine et longtemps interdite en France. Nous sommes amenés à en faire le tour, à l’observer, presque dans une circulation divinatoire, mais l’enjeu de cette œuvre se trouve aussi ailleurs. De cet espace, l’invisible est fort, tue, contrariant presque la nécessité de la réalisation de cette installation. En dehors de cette sculpture qui ne ment aucunement sur celle qu’elle est, une autre dimension est ouverte, audible cette fois, mais uniquement de l’extérieur et de manière fort aléatoire. D’antenne nous venons à la radio et à la création, la compilation d’une multitude de bandes sonores réalisés par diverses connaissances de Wilfrid Almendra, toutes fruits de discussions, d’échanges, de rencontres, de découvertes, d’intéressements
à l’autre et de souhaits de retranscription sur un média encore libre et existant, mais pour combien de temps ? Une propagation d’histoires, poèmes, expérimentations, nappes sonores sont réalisés par différentes rencontres, histoires de vie, de projets entre l’artiste qui se pose ici en relai, comme cette antenne, et permet des fulgurances, toutes en légèreté, toujours, sans rien imposer, mais en suggérant, en invitant à la rencontre, à la discussion, à l’échange.
Et toujours en surplomb de la ville, à l’intérieur de laquelle il tente de s’immiscer mais sans rien imposer, jamais.
Wilfrid Almendra est un artiste franco-portugais, né en 1972 à Cholet. Il vit et travaille à Marseille.
Dans son travail, idées et matériaux sont inséparables. Son vocabulaire formel est issu de l’architecture, des formes et des surfaces avec lesquelles nous nous entourons. Les matériaux qu’il utilise proviennent le plus souvent de l’économie alternative, du troc et de l’échange. Ils mettent en tension des questions liées aux classes sociales, au désir de confort et à la capacité individuelle d’invention et de poésie trouvée au coeur des choses les plus normatives.
Il est diplômé de l’École des Beaux-arts de Lisbonne, de l’Academy of Fine Arts de Manchester et de l’École des Beaux-arts de Rennes en 2000.
Le travail de Wilfrid Almendra a été montré dans de nombreuses institutions en France et à l’étranger.
Plus d’infos : https://www.wilfridalmendra.com