Une visite dans l’atelier d’une artiste « Rare et Magnifique » le 19 janvier 2017

« Pendant six mois, j’ai acheté 25 objets sur eBay décrits chacun comme étant ‘rare et magnifique’ par leurs vendeurs. Ces objets chargés d’histoires et de valeur subjective ont constitué ma matière première et unique que j’ai broyée en poudre fine et coulée en lingots. »

 Adrianna Wallis

 

« Rare et Magnifique »

Crédit photo : C.Coeuré

 

« L’artiste au travail,  2017 »

Crédit photo : E.Schoene

 

 

Nous avons beaucoup apprécié la présentation complète et sensible de son travail. Ses œuvres « Rare  et Magnifique » et « lettres perdues » sont visibles sur son site ICI 

 

Diplômée de l’école des Beaux Arts de Barcelone, l’artiste française Adrianna Wallis (1981), aujourd’hui installée dans le Vercors à Villard-de-Lans, entretient un rapport  particulier à l’oubli. Ainsi, la mémoire – celle-là même qui constitue notre identité –, représente pour elle un espace d’exploration précieux. À partir des récits de vie et des anecdotes que Wallis prélève et collectionne, elle brode des histoires et tisse des liens pour lutter secrètement contre un effacement trop rapide du passé.

Le hasard propre à la rencontre est un matériau essentiel dans le processus de création de l’artiste. Son œuvre ne pourrait exister sans l’autre dont elle aime exciter les atomes et parfois même les bousculer en s’immisçant dans leur histoire – et ce pour comprendre la sienne. Oscillant sans cesse entre l’individuel et le collectif, son œuvre puise aux confins des liens familiaux, des transmissions entre générations, mais aussi d’absences subies et de présences pesantes. Elle prend à cœur ce rôle qu’elle s’est donnée à jouer, celui du « passeur », ce fameux dépositaire de la mémoire, pour retenir les histoires vouées à être broyées par l’Histoire.

Cette matière intime qu’elle extrait, s’incarne dans des objets emprunts d’humilité, de subversion et de poésie. En laissant affleurer leur mémoire, l’artiste insuffle une nouvelle vie à l’objet, l’anime au sens étymologique du terme (anima = âme). Il s’agit pour Wallis de donner corps et vie, de faire jaillir à partir d’un geste simple, l’inaperçu ou l’impalpable. Dynamiser le manque ou l’absence, – « l’objet s’institue en lieu et pouvoir d’un manque » dit Fedida –, en  » cherchant son rythme, son bondissement, sa poussée, son jet, (…) que dit déjà bien le mot obJET* », est une façon pour l’artiste d’agir sur le passé dans le présent.

 

Texte de Claire Luna

 

* Didi-Huberman, Georges, Gestes d’air et de pierre. Corps, parole, souffle, image,

Editions de Minuit, Paris, 2005, p.22-23