Michel Gauthier, Les presses du réel, 2017.
À l’origine, un intermezzo, ou intermède, est une pièce musicale, instrumentale ou chantée, qu’agrémente parfois danse ou pantomime, donnée pendant les entractes ponctuant le cours de l’œuvre principale. C’est dans un statut résolu d’intermezzi que se livrent les dix textes réunis dans le présent volume. D’abord parce qu’ils se proposent comme un intermédiaire réflexif entre l’œuvre telle qu’en elle-même et l’œuvre vue, exposée. Ensuite parce qu’ils s’attachent à mettre en valeur la poétique de l’entre-deux qui caractérise les travaux ici analysés, à éclairer la dualité qui les traverse (l’art sans qualité et le « bel art », le réel et l’artifice, l’illusionnisme et l’anti-illusionnisme, la pièce construite et le readymade, l’aura et le souci politique…).
Au total, les dix artistes étudiés (Franz Ackermann, Sarah Morris, Didier Marcel, Franck Scurti, Hugues Reip, Xavier Veilhan, Mathieu Mercier, Simon Starling, Bojan Šarčević et Paul Sietsema), pour chacun desquels Michel Gauthier propose des analyses approfondies en leur donnant une indispensable profondeur de champ historique, offrent un réjouissant aperçu de la création actuelle, de sa richesse et de sa complexité. De son ambition également, s’il est vrai qu’être de son époque implique de travailler pour ne céder ni à la pure et simple fascination pour le contemporain ni à quelque dédain hautain de l’aujourd’hui.
Sally Bonn, Éditions du Seuil, mai 2017
Il y a une longue tradition des écrits d’artistes à travers les siècles, mais dès lors que le texte s’affirme comme un complément indispensable de l’œuvre d’art, celle-ci changent radicalement de statut. Elle ne se suffit plus à elle-même, sa compréhension globale par le spectateur implique de lire, avant ou en parallèle, le propos théorique qui l’accompagne. Un dispositif se met en place, qui a notamment pour effet de transformer le spectateur, et de faire éclater l’autorité des critiques et des institutions.
Cette profonde mutation a lieu dans les années 1960, et se prolonge dans les décennies suivantes. Elle est ici exposée et analysée à travers trois figures majeures de l’art contemporain : Daniel Buren, Michelangelo Pistoletto et Robert Morris.
Pour la première fois, le livre de Sally Bonn aborde avec empathie le statut nouveau d’un art qui intègre son explication et l’énoncé de son intention dans le dispositif même de sa livraison au public.
Maurice Fréchuret, Les presses du réel, 2016
Effacer, dans le domaine artistique, est synonyme de correction ou de modification. Appelée communément « repentir », cette intervention exprime la maladresse voire la faute et qualifie l’œuvre dans ce qu’elle a de faible et d’inadéquate. Dans le domaine de la politique ou de la publicité marchande, la pratique de l’effacement est indéniablement liée au mensonge et à la dissimulation. L’histoire, depuis des décennies, a présenté maints exemples de ces frauduleuses interventions qui ont pour but de corriger son cours.
Transformer cette action, si fondamentalement négative, en une pratique susceptible de déboucher sur des ouvertures nouvelles, voilà ce à quoi, au cours du XXe siècle et aujourd’hui encore, les artistes ont abouti. En pratiquant l’effacement, c’est-à-dire en travaillant à rebours, ils ont su enrichir exemplairement la création artistique. Le geste historique de Robert Rauschenberg effaçant, en 1953, un dessin de Willem De Kooning, les propositions exemplaires de Marcel Broodthaers, Claudio Parmiggiani, Roman Opalka, Gerhard Richter croisent, celles plus récentes d’Hiroshi Sugimoto, d’Ann Hamilton, de Jochen Gerz, de Felix Gonzalez-Torres mais aussi celles des artistes de la génération actuelle comme Zhang Huan ou Estefanía Peñafiel Loaiza…
Erri De Luca, Gallimard 2017
«De sa langue empreinte de poésie, l’écrivain italien signe un conte aussi contemporain qu’atemporel, un récit qui tresse avec maestria le drame des migrants et les interrogations théologiques, le geste artistique et le sens du sacré. Du très grand De Luca.»
Julien Bisson, Lire
Michel Thévoz, Les Editions de Minuit, 2017
Avec le temps, une œuvre d’art s’éloignera fatalement du sens que, par provision, son auteur lui donne. Celui-ci, néanmoins, escompte secrètement cette méprise future comme une solution possible à son énigme. S’il est vrai que «le fondement même du discours interhumain est le malentendu» (Lacan), on devrait considérer l’art, ou la relation artistique, comme un malentendu spécialement productif, paradoxal et initiatique. Ce ne sont ni les peintres ni les regardeurs qui font les tableaux, mais la conjugaison de l’inconscience des uns et des bévues des autres : ils se déchargent l’un sur l’autre de la responsabilité d’un sens qui n’en finit pas de leur échapper. Le présent ouvrage évoque quelques-unes de ces méprises en symétrie inverse, indéfiniment reconduites, et qu’on peut considérer finalement comme des «ratages réussis». Ce n’est pas le moindre intérêt de l’histoire de l’art que ces coups de théâtre qui rendent le passé lui-même imprévisible