Écoldar de Christine Lapostolle
Éditions MF, 2018
Une école d’art est un lieu à part, un lieu bizarre, enchanté, maudit, un abri, un théâtre, un microcosme, une île. Il s’agit dans ce livre de décrire cette île de l’intérieur pour les gens qui n’y sont pas.
On y arrive sans trop savoir comment, on en repart sans trop savoir vers quoi. On y scrute les horizons incertains de l’art tout en essayant de donner formes aux questions qu’on se pose sur le monde et sur soi. Et pour peu qu’on y enseigne, on peut y percevoir le bruissement des rêves, des peurs, des désirs, des contradictions de ceux qui l’explorent.
Composé par fragments, rêveries, questions, réminiscences, ce texte fait le portrait d’une jeunesse dans ses efforts pour surnager dans le grand marasme du présent. Il est aussi une invitation à réfléchir sur le sens du mot apprendre.
De la poubelle au musée, une anthropologie des restes, de Octave Debary Créaphiséditions, 2019
Cet ouvrage traite de la difficulté à nous séparer des objets et de leur histoire. De la poubelle à l’usine, des marchés de vide-greniers aux puces, du théâtre d’objets au mémorial, du patrimoine au musée et à l’objet comme reste, Octave Debary cherche à interroger le pouvoir de faire autre chose des objets. Il questionne des manières de rendre compte de l’histoire. S’agit-il de dettes ? De devoirs de mémoire ? Ou d’arts du souvenir qui placent au cœur de leur pratique un art de l’oubli ?
Préface de Philippe Descola :
Que faire des objets dont on a perdu l’usage ? Ce livre explore la difficulté à nous en séparer, à nous défaire de l’histoire qui nous lie à eux. L’anthropologue Octave Debary s’intéresse au paradoxe qu’implique la conservation de ce dont on veut se débarrasser : impossible oubli que le travail de mémoire tente de domestiquer. L’auteur interroge le pouvoir d’en faire autre chose (de les recycler), de se les transmettre (dans les vide-greniers), d’en jouer (au théâtre), de s’en emparer pour créer (dans l’art), ou notre refus de les perdre (le patrimoine), comme notre besoin de les enfermer (au musée)…
Autant d’arts d’accommoder les restes par lesquels la mémoire se construit comme un art de la récupération, du chiffonnage, du réemploi. Un art de se souvenir.
Chorégraphier l’exposition, de Mathieu Copeland
Les presses du réel
Un panorama des relations entre chorégraphie et exposition, à travers les contributions d’une trentaine d’artistes, chorégraphes, musiciens, cinéastes, théoriciens et commissaires d’exposition internationaux.
En 2008, le centre d’art contemporain La Ferme du Buisson accueillait le commissaire d’exposition Mathieu Copeland pour la présentation remarquée d’Une Exposition Chorégraphiée. Composée exclusivement de mouvements interprétés par trois danseurs pendant deux mois, l’exposition fit date dans l’histoire des relations entre danse et arts plastiques. Au-delà de l’expérience unique qu’elle a constituée pour ceux qui l’ont vécue, Une Exposition Chorégraphiée a nourri une multitude de questions qui ont fait leur chemin pour donner naissance à un ouvrage intitulé Chorégraphier l’exposition.
Le livre réunit plus d’une trentaine d’artistes plasticiens, chorégraphes, musiciens, cinéastes, théoriciens et commissaires d’exposition internationaux. Formidable panorama des relations entre chorégraphie et exposition, il orchestre une polyphonie de points de vue à partir de cinq prismes : la partition, l’espace, le temps, le corps et la mémoire
Sans titre, de Hubert Renard
RE:PACIFIC art&fiction
Sans titre détruit et reconstruit par sa fiction celle de l’art. Un art souvent altéré par ceux qui tournent autour et s’en font les gardiens. Cet exil de la langue picturale par une autre langue provoque donc un nécessaire travail de reformation et la déformation de l’image.
Soudain, face à la morale qui est chose de l’esprit, une immense place est laissée aux faiblesses du « corps » de la peinture, à ses égarements que cette morale ne peut inclure. La force d’âme de l’œuvre adulée est donc révisée — mais pas forcément à la baisse. Ce livre restera un objet de fiction ovniesque. Le fait de rendre parlant un objet muet et privé quelque chose de publique a de terribles répercussions sur le monde préfabriqué. Il met à jour une partie où se télescopent d’étranges joueurs.
Tout l’establishment artistique en prend pour son grade même si Hubert Renard – et c’est ce qui fait sa force – ne cherche pas à régler des comptes.
Ce qui n’a pas de prix, Beauté, laideur et Politique, Annie Le Brun, Ed Stock, 2018
C’est la guerre, une guerre qui se déroule sur tous les fronts et qui s’intensifie depuis qu’elle est désormais menée contre tout ce dont il paraissait impossible d’extraire de la valeur. S’ensuit un nouvel enlaidissement du monde. Car, avant même le rêve ou la passion, le premier ennemi aura été la beauté vive, celle dont chacun a connu les pouvoirs d’éblouissement et qui, pas plus que l’éclair, ne se laisse assujettir.
Y aura considérablement aidé la collusion de la finance et d’un certain art contemporain, à l’origine d’une entreprise de neutralisation visant à installer une domination sans réplique. Et comme, dans le même temps, la marchandisation de tout recours à une esthétisation généralisée pour camoufler le fonctionnement catastrophique d’un monde allant à sa perte, il est évident que beauté et laideur constituent un enjeu politique.
Jusqu’à quand consentirons-nous à ne pas voir combien la violence de l’argent travaille à liquider notre nuit sensible, pour nous faire oublier l’essentiel, la quête éperdue de ce qui n’a pas de prix ?
Photogénie de l’exposition
Textes et entretiens de François Aubart, Xavier Douroux, Pierre Leguillon, Florence Ostende, Rémi Parcollet, Ippolito Pestellini Laparelli, Jean-Marc Poinsot
Manuella éditions, juin 2018
Quantité d’œuvres ne sont connues du public que par le biais de leur image photographique (quand ce n’est pas la photographie elle-même qui se substitue à son souvenir). Ce phénomène pose au sein des Visual Studies de vastes questions, liées à la polysémie des œuvres, à la mémoire de ce que l’on regarde et à la patrimonialisation des œuvres en situation d’exposition, mais aussi à l’écriture de l’histoire de l’art et même à l’évolution des pratiques artistiques.
Cet ouvrage fait le point sur le nouveau statut des photographies de vues d’exposition : fonction documentaire complexe, entre archive et support de représentation, elles n’ont pas qu’une valeur testimoniale, mais s’inscrivent aussi dans le contexte postmoderne comme des outils artistiques et curatoriaux.
Comment le voile est devenu musulman, Bruno Nassim Aboudrar
Champs, Flammarion 2017
Loin des polémiques, Bruno Nassim Aboudrar renouvelle le débat et met au jour les malentendus qui entourent cette pratique millénaire. Le voile n’est pas spécifiquement musulman : il l’est devenu. Presque absente du Coran, c’est une prescription construite progressivement, au terme d’une histoire dont l’épisode colonial est un chapitre majeur.
Si le port du voile nous choque, c’est moins en raison de l’outrage fait aux femmes ou de l’entorse à la laïcité que parce qu’il bouleverse un ordre visuel fondé sur la transparence, et lui oppose un provocant plaidoyer pour l’opaque, le caché, le secret, l’obscur. Et pour les musulmanes qui se voilent en Occident, n’est-ce pas un jeu de dupes, une impiété nichée au coeur d’une intention religieuse ? Car en montrant qu’elles se cachent, elles cachent en réalité qu’elles se montrent…
Scrutant tour à tour la lettre du Coran, le voyeurisme de l’art orientaliste, les dévoilements spectaculaires orchestrés en Turquie ou au Maghreb, cette histoire croisée du regard, illustrée d’une trentaine de tableaux et de photos, délivre une lecture inédite des stratégies à l’oeuvre derrière le voile.
En ce mardi de rentrée, et par une météo radieuse, nous nous retrouvons une petite douzaine au pied de la gare du téléphérique pour nous rendre au CAB, que les amateurs d’art contemporain connaissent bien.
Le Centre d’Art Bastille accueille actuellement et jusqu’au 30 septembre l’exposition Because it dissolves in water de Wilfrid Almendra.
Arrivés au sommet, grâce aux bulles, nous sommes reçus par Frédéric le Gorrec, collectionneur et président du CAB, accompagné des deux médiatrices actuellement en stage, et rejoints par Karim, courageusement monté à pied.
Après une rapide présentation de Wilfrid Almendra, artiste franco-portuguais, né en 1972, qui vit et travaille à Marseille, Frédéric nous parle longuement de son rapport au matériaux, et plus précisément aux matériaux de construction. En effet, la quasi-totalité des œuvres exposées sont produites à partir d’éléments récupérés, lors de la destruction d’une maison témoin de type Phénix, par exemple, pour la série des Model Home(Sonata) que nous découvrons dans la première salle, ou d’une serre pour l’immense installation in-situ Because it dissolves in water installée au niveau suivant.
Les Model Home (Sonata) produites entre 2012 et 2018 sont des pièces murales très rigoureusement réalisées à partir de grilles anti-effraction qui rythment la composition, dans lesquelles il assemble du verre cathédrale, du bois, du carrelage, du métal – cuivre ou étain, du goudron, du plâtre, un miroir. Ces constructions jouent avec la lumière évoquant l’art du vitrail, à la fois par les matériaux, et par la rigidité du chassis, et font parfois penser par leur composition à Mondrian.
À noter l’énorme travail déployé par l’équipe du CAB pour la scénographie, l’éclairage du lieu ayant été totalement rénové à cette occasion, et le volume de la pièce radicalement transformé pour permettre cet accrochage.
Because it dissolves in water, installation in situ dans la seconde salle transforme l’espace en l’habillant de panneaux de verre venant de divers horizons, entre autres d’une serre nantaise et marqués par leurs précédents usages (traces de terre, de colle, de peinture…). Un jeu de transparence qui laisse deviner le paysage, et l’architecture militaire et bi-centenaire dont il oppose la solidité et la pérennité à la précarité du matériau et de son assemblage millimétrique, quasiment invisible, à base d’adhésif transparent parfois conforté par un cordon de silicone.
Cette installation inclut quelques œuvres préexistantes, telle cette lame de cuivre profondément oxydée par de la saumure, Cynthia, pomme métallique, coulée avec des matériaux de récupération, ou ces panneaux enchâssant la plante immiscée entre les deux lames de verre du double vitrage. Autres notes organiques, une plume de paon, ou un papillon resté collé lors du montage.
La troisième salle, anciennement scindée par une cloison diagonale abritant les réserves du CAB a retrouvé son beau volume d’origine, et présente une dernière Sonata, en double largeur cette fois ci, installée sur une cloison masquant la fenêtre donnant sur la vallée de l’Isère, tout en en récupérant la lumière pour en illuminer les verres.
Au dernier niveau nous surplombons une dernière sculpture, une antenne, de grande série, montée sur un socle de cuivre et de bronze, et reliée par des câbles courant le long des murs à différents éléments du CAB, et à un ordinateur. Cette antenne diffuse brièvement et aléatoirement sur les ondes, à intervalles réguliers des éléments de poésie sonore collectés par Wilfrid Almendra.
Chers « Amis du Magasin » et amis tout court
Après un été qui ferait prendre conscience à tout dirigeant de grand pays, de l’urgence à considérer l’écologie comme une voûte à toute politique mais qui nous a quand même bien arrangé dans nos activités de loisirs, voici un petit billet de rentrée.
L’art contemporain reprend vigueur hors des expos d’été en pays touristiques (quoique dans le secteur d’Annecy, les institutions étaient fermées tout l’été!…). Art-o-rama à Marseille en cette fin de semaine, mais aussi à deux pas de chez vous, une exposition remarquable au Centre d’Art Bastille, accessible en bulles, à pieds ou en voiture par La Tronche.
Elle mérite une large audience pour au moins 3 raisons liées à l’artiste et une quatrième liée la structure.
La qualité de l’artiste sur l’ensemble des œuvres créées jusqu’à ce jour.
La beauté plastique (n’ayons pas peur de ces mots) des modèles home (Sonata) présentées dès l’entrée.
L’intelligence avec laquelle il s’est emparé du lieu et de la salle d’entresol.
En revanche, je vous recommande de vous faire expliquer par le médiateur les infimes dispositifs qui jalonnent le circuit et qui sont en relation avec l’antenne du sous-sol.
Présenter une telle exposition avec les moyens infimes dont dispose le CAB, (exposition qui plus est, faisant suite à celle de Jeanne Susplugas) est une gageure, relève de l’exploit, du courage et de l’huile de coude !
À voir de toute urgence ; à vos baskets, voitures ou porte-monnaie (bulles). N’hésitez pas à en parler autour de vous.
Sylvie Berthemy Présidente
Gilles Fourneris propose une visite commentée de l’exposition Absence, qui met en scène sa collectionson le mardi 28 août à 18h45, au château de la Veyrie, à Bernin. D’autres visites commentées sont possibles (demande par courriel à veyrie@bernin.fr)